Informations sur la vente - Atelier Maurice Asselin

Maurice ASSELIN par son fils Georges
Après son frère, Louis, de trois ans son aîné, Maurice Asselin est né à Orléans le 24 juin 1882, d'une mère qui tenait, à l'angle de la rue Sainte-Catherine et de la rue Jeanne-d'Arc, un débit de tabac à l'enseigne de «La Pipe d'or », et d'un père qui exerçait le métier de cocher. Mais très vite, ses parents ayant repris l'auberge de la rue Sainte-Catherine, «où la cuisine était fort appréciée et, pour les grandes circonstances, de premier ordre », il fut élevé dans un milieu où les reflets de la porcelaine et les ors des chaudrons éveillaient déjà en lui la transparence de la lumière. Il y apprit à faire la cuisine, et dès son jeune âge sut «hacher le persil et les oignons, vider les goujons et les écrevisses»… Ce qui, bien des années plus tard, en 1930, le conduira à occuper, aux côtés de Curnonsky, le trente-sixième fauteuil de l'Académie des gastronomes.
A douze ans, il entre en sixième à l'école Sainte-Croix d'Orléans, mais ne prolongera pas ses études au-delà de la classe de seconde. Désireux de lui donner un métier, ses parents le placent comme «apprenti calicot» chez des marchands de tissu : Aux Travailleurs, place de la République, à Orléans, et l'année suivante - nous sommes en 1900 - A la Place Clichy, à Paris. Tout cela ne durera pas
 Depuis les bancs de l'école, M. Asselin dessine! Son carnet, son crayon, sa boîte de couleurs ne le quittent pas. Ses sujets sont variés, et les quelques dessins antérieurs à 1900 retrouvés représentent des vaches dans un pré, des oies dans une basse-cour, un chien endormi près d'un poêle, un paysage de Tigy, un monument ou une maison d'Orléans.
Il revient passer trois années auprès de sa famille, époque où il perd son père (août 1902). En 1904, il rejoint Paris et s'inscrit à l'atelier Cormon, à l'Ecole des beaux-arts. Il fréquente assidûment la salle Caillebotte, au Luxembourg, et le Louvre. Il loge dans le quinzième arrondissement, sous les toits, dans une chambre mal chauffée. Est-ce l'origine de sa tuberculose, pour laquelle il est alors hospitalisé dans un sanatorium en Auvergne 7... De retour à Paris, il quitte l'atelier Cormon qu'il n'aime pas.
En 1905, premier séjour en Bretagne : Kergroës et l'auberge de Marie Lepage. Il y connaît Jacques Vaillant. Il y reviendra en 1906 et 1907 et en rapportera plusieurs toiles et esquisses sur lesquelles il continue à travailler à Paris. Il accroche pour la première fois au Salon des Indépendants (1906) et au Salon d'Automne (1907). Sa palette est colorée et le trait appuyé souligne les sujets. On parle de lui dans la presse. Il en est si fier qu'il l'écrit à sa mère, laquelle, depuis les fourneaux de l'Hôtel Sainte-Catherine, lui envoie chaque mois de l'argent en suffisance. Cette manne durera longtemps, et passé trente ans il recevra toujours de l'argent de sa mère. Cela pour expliquer qu'il n'avait nul besoin de vendre sa peinture, contrairement à bon nombre de peintres de sa génération, et que la sérénité qui se dégage de son art peut s'expliquer en partie par la sécurité matérielle qui l'entourait.
En 1908 il prend le train pour l'Italie avec sa bicyclette. Rome le 3 mai, Anticoli-Corrado le 1er juin, et après un périple à vélo de 220 kilomètres en compagnie de son ami Henriet, il rejoint Assise et Sienne le 22 août, qu'il quittera pour Florence, où il restera jusqu'en octobre.
1909 : premières expositions, à la Galerie Eugène Blot, à Paris (février), et, en Allemagne, à la Moderne Galerie de Munich, en compagnie de Marquet, Vlaminck, Manguin, Puy, Camoin, etc. L'année suivante, second voyage en Italie. Il s'embarque sur le cargo Balkan à destination de Gênes. De là, il gagne Naples, Rome, et rejoint la pension Carboni à AnticoliCorrado, où il restera tout l'été. Il loue à côté un petit atelier avec jardin, où il fait ses premières études de nus. Il rapportera de ses voyages en Italie de nombreux dessins, d'un style académique, certes, mais d'une pureté de trait remarquable.
L'année 1911 le trouve au 39 de la rue Lamarck, à Paris. Il passe l'été en Bretagne, chez la mère Bacon, au port de Brigneau, et de même l'année suivante. Il rencontre là Pierre Mac Orlan, avec qui il se lie d'amitié. Il fréquente alors les peintres Ernest Correlleau, Marcel Fournier, dont il fait le portrait, Jean Carrière, Emile Jourdan, à qui il apporte bien souvent une aide matérielle, Louis Bacon, Jacques Vaillant... A Paris, il expose chez Blot, Devambez, Druet, Lévesque, et, à l'étranger, au Kunstsalon Wolfsberg de Zurich et au Musée royal de Copenhague. Il participe toujours aux Salons d'Automne, des Tuileries et des Indépendants.
Premier voyage à Londres en 1912. Il Y prépare sa première exposition chez Carfax & Co., qui aura lieu du 3 au 15 février 1913. Elle sera suivie de beaucoup d'autres. Après plusieurs voyages à Londres, la guerre le surprend en Angleterre. En 1915, il est à Ashford, dans le Middlesex, chez Ludovic Rodo Pissarro, avec qui il lie une solide et durable amitié. L'hiver le trouve auprès du peintre Walter Sickert, avec lequel il travaille. Chacun fera le portrait de l'autre! Le 4 mars 1916, après avoir reçu un ordre de réquisition de l'armée britannique, il rejoint la France et se fixe à Paris, 121, rue Caulaincourt. Le 13 août 1917, son frère meurt, à l'âge de 38 ans. Asselin est attiré par la compagnie des gens de lettres. Il rencontre Jules Romains, dont il fait le portrait (détruit par les Allemands durant la Seconde Guerre). Par la suite, il fréquentera et deviendra l'ami de nombreux écrivains.
Le 17 septembre 1919, à trente-sept ans, il épouse Paton, qui en a vingt-sept. (Elle lui donnera trois fils : Bernard en 1922, Jean en 1923 et Georges en 1925). C'est le début de sa «période verte» : une palette où les verts et les noirs s'affrontent, en parfaite harmonie, dans un contraste permanent d'ombres et de lumières. En novembre, il préface le catalogue de son exposition chez André Pesson. L'analyse qu'il y fait de son art restera à jamais vivante : «... l'art jaillit de l'amour émerveillé de la vie. " 1920. A Paris, portrait de Carco, exposé au Salon d'Automne. A Keriolet, portrait de Jean Pellerin (aujourd'hUi au musée de Grenoble). Sous l'intitulé «Le Premier Groupe », il expose pour la première fois chez Marcel Bernheim, en compagnie de Marquet notamment. En septembre 1922, à la naissance de son premier fils, débute la période de ses «maternités », qui durera jusqu'en 1925. Sa palette s'adoucit, les couleurs s'estompent, les gris dominent.
En 1923, en compagnie de Curnonsky et Fernand Jobert, il lance «Mélanie» à Riec, dont la réputation franchira rapidement les frontières de la Bretagne! Première exposition à Tokyo, au Japon. En 1924, il fait le portrait de Curnonsky, qui est exposé au Salon d'Automne (le tableau est actuellement en Angleterre). Il quitte Montmartre pour Neuilly, au 47 de la rue du Bois-de-Boulogne. Sur le terrain attenant, au numéro 45, il entreprend la construction d'un hôtel particulier de trois étages, qu'il habitera de 1925 jusqu'à sa mort. Le 16 avril 1925, il obtient son permis de conduire les automobiles à pétrole. En 1926, à bord de sa torpédo Chenard et Walker, et en compagnie du peintre André Fraye, il entreprend un voyage dans le sud de la France : Marseille, Sainte-Maxime, Saint-Tropez, Le Luc, Avignon, Orange... Enchanté par la lumière du Midi, il Y retournera l'année suivante avec toute sa famille. En 1927, il peint le fameux tableau représentant son ami «Cur» à la table de Mélanie Rouat (musée du Luxembourg).
Asselin perd sa mère en 1932. Durant les années 30, il fréquente assidûment la Bretagne : Concarneau en 1930, Les Sables-Blancs en 1931, Beuzec-Conq en 1932, la Cornouaille en 1933, puis Pont-Aven jusqu'en 1936, encore Pont-Aven en 1938, Kerdruc en 1939. De cette période resteront de magnifiques aquarelles «subtiles et fluides», dont Jules Romains dira qu'elles le touchent comme «des petits poèmes lyriques "... Beaucoup de portraits également de sa nièce Madeleine. A cette époque, il est entouré des peintres Ernest Correlleau, Fernand Dauchot, Pierre Lepage, Jean Puy, René Thomsen, Emile Compard, Pierre-Eugène Clairin, Pierre Bompard... En 1933, il devient l'ami de l'écrivain irlandais Liam O'Flaherty, dont il fait le portrait. 1935 : portrait de Correlleau, et exposition de cent toiles et aquarelles à Tokyo. 1936 : portrait d'Edouard Branly (actuellement au musée d'Albi). Il illustre la couverture du catalogue du Salon d'Automne.
A cette époque, Maurice Asselin est en pleine possession de son art. Sa notoriété est grande, et ses expositions se suivent à un rythme élevé, tant en France qu'à l'étranger. En janvier 1939, il est promu au grade d'officier de la Légion d'honneur. Puis vient la guerre et juin 1940. Asselin entasse dans sa vieille Ford tout ce qu'il peut de ses œuvres, ne laissant que peu de place pour Paton et lui-même, et prend le chemin de l'exode. Ses trois fils suivent à bicyclette... Après deux jours de péripéties mémorables, on se retrouve chez le docteur Plessis, à Chalonnes-sur-Loire, où un campement est aménagé en attendant l'armistice et le retour vers Paris. Les Allemands nous avaient rejoints entre-temps! «Dans l'air, brisé du fracas des moteurs, les chants des Germains vainqueurs se répondent de colline en colline ", écrira-t-il le 23 juin, à 5 heures du matin, en écoutant passer l'armée allemande.
De retour à Paris, Maurice Asselin n'est plus le même. Traumatisé par la défaite, il supporte mal l'Occupation. De plus, il souffre de rhumatisme articulaire à la hanche et marche péniblement. Sa peinture s'en ressent : plus rapidement brossée, elle n'a plus la même recherche ; sa palette s'est durcie. C'est la période des «nus rouges» et des petits bouquets. Il expose toujours beaucoup, mais n'accrochera plus au Salon d'Automne après 1942. Ses amis d'alors sont différents : le céramiste Jean Mayodon, le ferronnier Raymond Subes, l'écrivain Henri Jeanson... En 1945, il retourne pour la dernière fois à Pont-Aven, où il passe un mois à l'Hôtel de la Poste, chez Julia Correlleau.
En septembre 1947, il est admis à l'hôpital Saint-Antoine pour se faire opérer par le professeur Bergeret. Le vendredi 19, il écrit : «Lundi probablement : billard. Partenaire : professeur Bergeret. Enjeu : mes tripes. J'espère qu'il sera gagnant. S'il perd, je suis mat!» En fait, le professeur ne gagnera pas, et mon père décédera le 27 septembre 1947.